Nouvelles approches en matière d’HT pour le soulagement des symptômes de la ménopause : Revue de l’énoncé de position de 2017 de la NAMS fondée sur des cas

Par Jacques Bourque, M.D., FRCSC

Professeur adjoint de clinique,
Département d’obstétrique-gynécologie,
Université de Montréal

 


Cas 1

RÉPONSE : Les symptômes vasomoteurs persistent pendant 7,4 ans en moyenne après la ménopause, mais de nombreuses femmes en éprouvent pendant plus de 10 ans. Le risque de retour des symptômes vasomoteurs est de 50 % après l’arrêt de l’HT, indépendamment de l’âge de la femme ou de la durée du traitement. Il est difficile de se prononcer sur une utilisation prolongée, puisque les données de suivi à long terme (surtout en ce qui concerne le risque de cancer du sein) sont complexes.

Les lignes directrices de 2017 de la North American Menopause Society (NAMS) mettent l’accent sur le fait que l’utilisation continue d’une HT par voie systémique par des femmes en santé qui ont commencé le traitement dans les 10 ans suivant l’apparition de la ménopause et qui ne présentent aucun nouveau risque sur le plan de la santé est associée à un profil d’innocuité plus favorable que chez les femmes qui commencent une HT après l’âge de 65 ans. Les lignes directrices précisent aussi qu’il n’est pas nécessaire d’interrompre systématiquement l’HT à un âge arbitraire ou après une certaine durée de traitement. Il est recommandé de procéder à une réévaluation annuelle, incluant une revue des affections concomitantes, et d’essayer périodiquement de réduire la dose ou d’interrompre l’HT. Il n’existe aucun consensus sur la meilleure façon d’interrompre le traitement (arrêt « brutal » ou diminution progressive de la dose).

Chez les femmes qui envisagent de poursuivre l’HT pour le soulagement de leurs symptômes de ménopause après l’âge de 65 ans, le passage à une estrogénothérapie à faible dose sous forme de timbre transdermique pourrait théoriquement réduire le risque cardiovasculaire chez cette population plus susceptible.


Cas 2

RÉPONSE : L’insuffisance ovarienne primaire (IOP) est le terme employé pour décrire la perte de la fonction hormonale des ovaires avant l’âge de 40 ans. Le trouble peut être provoqué par un traitement ou être d’origine chirurgicale, chromosomique ou idiopathique. Le terme « ménopause précoce » décrit le même phénomène chez les femmes âgées de 40 à 45 ans. L’issue fondamentale chez les deux groupes de femmes est la même : la perte de la fonction hormonale des ovaires nuit à la qualité de vie et à la santé à long terme.

Les affections suivantes sont associées à l’IOP et à la ménopause précoce : symptômes vasomoteurs persistants, perte osseuse précoce, apparition du syndrome génito-urinaire de la ménopause (SGM), troubles de l’humeur, augmentation du risque de maladie cardiaque, démence, AVC, maladie de Parkinson, troubles ophtalmiques et augmentation de la mortalité globale.

Dans le cas des femmes présentant une IOP ou une ménopause précoce chez qui il n’y a pas de contre-indications, l’HT est recommandée au moins jusqu’à l’âge médian de la ménopause (52 ans). Des études observationnelles donnent à penser que les bienfaits surpassent les risques en ce qui a trait aux effets sur les os, le cœur, la cognition, l’apparition du SGM, la fonction sexuelle et l’humeur.

Puisque la plupart des femmes présentant une IOP ou une ménopause précoce ont toujours leur utérus, un traitement estroprogestatif est recommandé. Le taux naturel d’estradiol à cet âge est de 300 pmol/L en moyenne; le traitement devrait donc être administré à une dose permettant d’atteindre cette valeur. Un essai contrôlé à répartition aléatoire (ECRA) d’une durée de trois ans a suggéré que l’estradiol à 100 μg/jour par voie transdermique restaure la densité minérale osseuse (DMO) du col fémoral. Une protection appropriée de l’endomètre est nécessaire chez les femmes ayant toujours leur utérus. Ce schéma pourrait être supérieur à la contraception orale dans ce sous-groupe de patientes sur le plan du rétablissement ou du maintien de la DMO.


Cas 3

RÉPONSE : SGM est un nouveau terme qui remplace le terme archaïque d’atrophie vulvovaginale. Le terme SGM prend en compte que la carence en estrogènes peut entraîner des symptômes liés aux voies urinaires inférieures en plus des symptômes génitaux.

Les symptômes du SGM peuvent comprendre les suivants : sécheresse vaginale, sensation de brûlure et irritation, douleur pendant les relations sexuelles, mictions impérieuses, dysurie et infections récurrentes des voies urinaires. Ces symptômes sont causés par une carence en estrogènes dans les tissus urogénitaux; ils ont tendance à s’aggraver avec l’âge et le temps écoulé depuis la ménopause.

Même si l’estrogénothérapie est le traitement le plus efficace du SGM, certaines femmes craignent les estrogènes. L’utilisation de lubrifiants ou d’hydratants vaginaux peut soulager certains symptômes vaginaux, mais ces produits sont inefficaces contre les symptômes urinaires, comme les mictions impérieuses ou la nycturie.

Les estrogènes vaginaux à faible dose (offerts sous forme de crèmes, de comprimés et d’anneaux) sont sûrs et efficaces. Lorsqu’ils sont utilisés selon les directives, il n’est pas indiqué de prescrire un agent protecteur de l’endomètre en concomitance, bien qu’on ne dispose pas de données sur l’innocuité endométriale au-delà de un an. Tout saignement vaginal chez une utilisatrice d’estrogènes vaginaux à faible dose doit faire l’objet d’une évaluation approfondie.

Des données indiquent que les estrogènes vaginaux sont bénéfiques dans les cas d’hyperactivité vésicale et d’infections récurrentes des voies urinaires.

Les estrogènes vaginaux à faible dose sont très peu absorbés par voie générale.

La plupart des mises en garde « encadrées » s’appliquant aux estrogènes par voie générale pourraient ne pas s’appliquer aux estrogènes vaginaux à faible dose. Une récente analyse portant sur plus de 45 000 femmes dans le cadre d’une sous-étude de la Women’s Health Initiative (WHI) n’a montré aucune augmentation du risque de maladie cardiaque, d’AVC, d’événement thromboembolique veineux, de fracture ou de cancer (y compris du sein et de l’endomètre) chez les utilisatrices d’estrogènes vaginaux à faible dose par rapport aux non-utilisatrices3. La décision de prescrire des estrogènes vaginaux à une femme atteinte de cancer du sein doit être prise de concert avec son oncologue, particulièrement si la patiente reçoit des inhibiteurs de l’aromatase.


Cas 4

RÉPONSE : La relation entre l’utilisation d’hormones et le cancer du sein est complexe et les réponses demeurent incomplètes. Il peut y avoir des différences sur le plan du risque de cancer du sein en fonction du choix de l’estrogène et de l’agent protecteur de l’endomètre (pour les femmes ayant encore leur utérus) ainsi que de la durée d’utilisation.

L’étude WHI a montré une augmentation du risque de cancer du sein chez les femmes qui ont pris des estrogènes conjugués en association avec de l’acétate de médroxyprogestérone en continu, et ce, après 5,6 années d’utilisation. On a alors observé 1 cas de plus de cancer du sein par 1 000 femmes-années d’utilisation. Cette augmentation du risque est comparable à celle associée à la consommation d’un verre de vin par jour, à l’obésité ou à la sédentarité. On ne peut dire si ce faible risque peut être généralisé ou non à d’autres doses, formulations ou préparations. Certaines données observationnelles laissent croire que la progestérone micronisée pourrait avoir moins d’incidence sur le risque de cancer du sein, mais cette hypothèse n’a pas été évaluée dans un essai à répartition aléatoire. D’autres données observationnelles donnent à penser qu’un traitement estroprogestatif séquentiel pourrait présenter moins de risque que les traitements d’association pris en continu, mais cette hypothèse n’a pas été évaluée non plus dans le cadre d’essais à répartition aléatoire de grande envergure.

L’effet de la durée du traitement estroprogestatif sur le risque de cancer du sein n’est pas clair. Les données d’études observationnelles sont contradictoires. Dans l’étude WHI, l’augmentation du risque de cancer du sein a été observée après 5,6 années d’utilisation.

Les effets d’un traitement estrogénique seul sur le risque de cancer du sein sont également contradictoires. L’essai WHI a montré que les estrogènes équins conjugués (EEC) administrés seuls réduisent le risque de cancer du sein ou n’ont aucun effet sur ce risque. On ignore si ce résultat peut être généralisé ou non à d’autres préparations d’estrogènes. La réduction du risque signalée dans l’essai WHI n’a été observée que chez les femmes qui n’avaient jamais pris d’hormones avant l’essai et chez qui l’observance thérapeutique était d’au moins 80 %. Il n’existe aucun ECRA conçu pour évaluer l’effet d’une estrogénothérapie de longue durée administrée seule sur le risque de cancer du sein. Les résultats d’études observationnelles sur l’utilisation de longue durée sont variables, certains montrant une augmentation du risque de cancer du sein après cinq années d’utilisation et d’autres, non.

Des données observationnelles limitées suggèrent que l’HT n’accroît pas davantage le risque de cancer du sein chez les femmes ayant des antécédents familiaux de ce cancer.

Différents schémas d’HT peuvent avoir différents effets sur la densité mammaire. L’utilisation d’estrogènes et de progestogène accroît la densité mammaire, alors que des essais d’une durée allant jusqu’à deux ans ont montré que l’association estrogènes conjugués et bazédoxifène n’augmente pas la densité mammaire par rapport au placebo. Une densité mammaire accrue est considérée comme un facteur de risque indépendant de cancer du sein.


Cas 5

RÉPONSE : Les symptômes dépressifs et le risque de dépression clinique augmentent durant la transition vers la ménopause. Chez les femmes ménopausées sans dépression clinique, les données sont variables quant aux effets de l’HT sur l’humeur. Bien que certains essais de courte durée laissent croire qu’une HT précoce durant la période postménopausique améliore l’humeur, d’autres n’ont montré aucune différence. Dans l’étude KEEPS Cognitive and Affective (un ECRA évaluant les effets de l’HT sur l’humeur et la cognition), les femmes recevant des ECC à 0,45 mg par jour et de la progestérone micronisée à 200 mg pendant 12 jours par mois ont présenté une amélioration significative de leur humeur dans les domaines de la dépression-mélancolie et de la tension-anxiété, comparativement au placebo. Ces effets n’ont pas été observés dans le groupe estradiol transdermique/progestérone micronisée.

Même si l’HT peut avoir un effet positif sur l’humeur et le comportement, il ne s’agit pas d’un antidépresseur. Ainsi, on considère que les données sont insuffisantes pour appuyer son utilisation dans le traitement primaire ou d’appoint de la dépression.

Des études longitudinales donnent à penser que la ménopause naturelle pourrait avoir des effets significatifs, mais modestes, sur certains aspects de la fonction cognitive. Ces effets pourraient être limités dans le temps et on ne croit pas qu’ils s’expliquent par les symptômes de la ménopause, comme le manque de sommeil.

L’estrogénothérapie pourrait entraîner des bienfaits cognitifs lorsqu’elle est instaurée immédiatement après la ménopause chirurgicale précoce, mais trois ECRA portant sur l’utilisation de l’HT chez des femmes ayant connu une ménopause naturelle précoce ont montré que l’HT a des effets neutres sur la cognition.

Des études observationnelles ont signalé une réduction du risque d’apparition de la maladie d’Alzheimer chez les jeunes femmes commençant une HT près de la ménopause. Deux hypothèses ont été soulevées, mais non confirmées, pour expliquer ce phénomène. D’abord, l’hypothèse de la « fenêtre d’opportunité » suggère que les régions du cerveau sensibles aux estrogènes pourraient répondre plus favorablement à une HT instaurée tôt. Ensuite, l’hypothèse de « protection des cellules saines » allègue que l’estrogénothérapie a un effet favorable sur les neurones sains et défavorable sur les neurones malades. Cela pourrait expliquer pourquoi l’instauration tardive d’une HT (après l’âge de 65 ans) est associée à une augmentation du risque de démence dans certaines études.

En l’absence de résultats plus définitifs, l’HT ne peut être recommandée, peu importe l’âge, pour prévenir ou traiter un déclin de la fonction cognitive ou la démence.


Références :

1. The NAMS 2017 Hormone Therapy Position Statement Advisory Panel. The 2017 hormone therapy position statement of The North American Menopause Society. Menopause 2017; 24(7):728-753.

2. Scientific Background Report for the 2017 Hormone Therapy Position Statement of The North American Menopause Society. Menopause 2017. Accessible sur le site www.menopause.org. Consulté en janvier 2018.

3. Crandall CJ, Hovey KM, Andrews CA, et coll. Breast cancer, endometrial cancer, and cardiovascular events in participants who used vaginal estrogen in the Women’s Health Initiative Observational Study. Menopause 2018; 25 (1):11-20.


Les réponses ci-dessus sont fondées sur les lignes directrices de 2017 de la NAMS. Les lecteurs sont invités à lire l’article complet, accessible sur le site www.menopause.org, pour obtenir des recommandations plus détaillées et consulter l’ensemble des références citées par les auteurs de la NAMS.


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